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 Indonésie

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Marxisme




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Indonésie Empty
MessageSujet: Indonésie   Indonésie EmptySam 30 Aoû - 12:29

Mouvements sociaux fragmentés, sous la coupe de l’État

lundi 25 août 2008 par George Junus Aditjondro
L’absence de convergence entre des mouvements sociaux poursuivant chacun leurs propres objectifs et stratégies a créé un climat concurrentiel peu propice à la construction d’une opposition forte ; et a accentué, à quelques rares exceptions près, la dépendance des organisations de la société civile envers l’État.

Les mouvements sociaux de l’archipel indonésien, du Nord de Sumatra à la Papouasie occidentale, sont dominés par des militants issus des classes moyennes. Ils tentent de contre-balancer le rôle dominant de l’État et des grandes entreprises privées dans l’orientation des politiques de développement, comme ce fut le cas les années précédentes (Aditjondro, 2007a). Mais l’absence de synergies entre les mouvements autour d’un objectif commun, a accentué leur fragmentation ainsi que leur intégration plus profonde dans l’État.

Contrairement à l’Amérique latine, où les mouvements des producteurs de coca boliviens ont réussi à faire tomber deux présidents et à placer l’un des leurs, Evo Morales, au sommet du pouvoir (Suyatna, 2007), les mouvements paysans indonésiens n’ont pu développer un pouvoir politique suffisant pour s’opposer à l’État.

Il en va de même pour le mouvement travailliste qui s’est révélé impuissant face à l’État, contrairement à l’époque de la dictature de Suharto, où il avait défié l’autorité en 2004 à Medan, dans le Nord de Sumatra, avec une action de masse rassemblant 20 000 à 30 000 travailleurs. L’État avait alors répondu d’une main de fer en multipliant les arrestations et les procès de travailleurs et militants du syndicat national - SBSI (Serikat Buruh Sejahtera Indonesia), ainsi que d’une ONG - KPS (Kelompok Pelita Sejahtera) - soutenant les travailleurs (Hadiz, 1997 ; Aditjondro, 2007c).

Fragmentation L’une des principales faiblesses des mouvements sociaux en Indonésie est leur fragmentation chronique. Alors que de larges conglomérats privés poursuivent leur extension, les mouvements sociaux indonésiens continuent pour leur part à se diviser et à se distancier les uns des autres. Le Nord Sumatra est une des provinces où ce phénomène peut être observé, principalement au sein des mouvements paysans. L’un de ceux-ci, le SPSU (Serikat Petani Sumatera Utara), y fut créé le 3 juin 1994 afin de promouvoir une réforme agraire véritable, mais plusieurs autres organisations paysannes se sont également établies dans cette région pendant la dernière décennie, au travers de projets financés par de grandes ONG basées en ville et des bailleurs de fonds étrangers.

Certaines de ces organisations opèrent dans un seul district - au Serdang Bedagai dans les plaines ou au Tapanuli Sud sur les plateaux Batak - et dépendent de BITRA, une vaste organisation de développement communautaire localisée à Medan. D’autres organisations se focalisent non pas sur des régions mais sur des écosystèmes spécifiques, tels que des organisations paysannes vivant en bordure de forêt dans le district de Simalungun, ou Perhimpunan Petani Pinggiran Kawasan Hutan (P3KH), initiée par l’ancien directeur de Bina Insani.

Parallèlement à ces initiatives, neuf grandes ONG situées dans les plateaux de Toba avec le KSPPM en tête, ont fédéré leurs membres et formé une nouvelle organisation provinciale de paysans, Serikat Tani Sumatera Utara (STSU). La présence de deux organisations provinciales dans le Nord Sumatra semble excessive, surtout depuis que chaque organisation se concentre sur des écosystèmes particuliers et s’occupe d’un certain « profil » de fermiers. Le STSU travaille ainsi avec les paysans du Batak dans les plateaux de Tapanuli autour du Lac Toba, qui sont principalement de petits propriétaires terriens attachés au droit coutumier.

Le SPSU intervient, quant à lui, davantage sur les plaines de l’Est auprès des fermiers issus de Malay, du Batak ou de Java et se réfère aux lois agraires de 1960. Une partie de leur stratégie se fonde sur l’occupation et la redistribution aux membres de SPSU de terres contestées et inutilisées. Ses adhérents proviennent essentiellement de quatre districts des plaines, mais aussi des plateaux de Tapanuli. Ils estiment rassembler près de 40 000 membres et pouvoir compter sur une masse stratégique d’environ 126 000 personnes. La surface totale des terres travaillées par les affiliés de SPSU est d’environ 110 000 hectares. L’organisation possède 11 hectares de terre collective, et, outre les cotisations de ses membres, reçoit une aide financière de la part de bailleurs de fonds étrangers (Tanjung et DTE, 2001).

Malheureusement, à défaut d’une plateforme et d’un objectif de campagne communs, une synergie entre ces organisations ne peut s’opérer. Ainsi, le SPSU et le STSU se sont révélés incapables de développer une stratégie commune pour stopper l’expansion d’une entreprise de pâte à papier partiellement finlandaise - la PT Toba Pulp Lestari (TPL) – qui détruit la forêt équatoriale dans la moitié des plateaux du district autour du Lac Toba (Aditjondro, 2007c ; Simanuntak, 2007), afin d’y implanter des plantations d’eucalyptus.

Rien ne semble pouvoir freiner l’expansion de TPL et des autres entreprises du Groupe RGM (Raja Garuda Mas), détenu par Sukanto Tanoto, l’un des plus riches hommes d’affaire sino-indonésiens, contrôlant son empire depuis la société holding APRIL (Asia Pacific Resources Industries Ltd) basée à Singapour (Aditjondro, 2007d). La suprématie de RGM est due en partie à l’absence de coordination entre le STSU et le SPSU, mais aussi à la faiblesse et au dispersement de l’ensemble du mouvement environnemental indonésien, impuissant face à l’exploitation des plantations d’eucalyptus et de l’huile de palme par RGM aux alentours de Sumatra.

Dépendance vis-à-vis de l’État Les mouvements sociaux indonésiens, caractérisés par un manque de coordination notamment entre mouvements paysans et associations environnementalistes basées en villes, ont essentiellement développé des stratégies de plaidoyer qui consistent à encourager un interventionnisme de la part de l’État par le biais de divers instruments légaux. Les techniques telles que le boycottage des consommateurs ou la pression des actionnaires, c’est-à-dire l’utilisation de tactiques capitalistes pour combattre le capitalisme, sont absentes des moyens d’action développés par les militants indonésiens au cours de la dernière décennie (Aditjondro, 2007e).

L’enjeu des mouvements sociaux ne consiste pas forcément à prendre le capitalisme à son propre jeu, mais bien de renforcer la société civile plutôt que l’État. Or, la dépendance des mouvements sociaux envers l’État s’est accentuée. Cela s’explique en partie par l’ambition manifestée par plusieurs militants de rejoindre des partis politiques pour exercer des mandats aux niveaux législatif ou exécutif ; estimant qu’il s’agit d’un moyen plus rapide et efficace pour influencer les pouvoirs publics, que celui, lent et progressif, du renforcement des mouvements sociaux. En outre, cette voie offre une plus grande gratification financière que celle proposée par les ONG…

Malgré un tableau assez sombre de la situation, quelques initiatives suscitent un certain espoir. Deux mouvements sociaux sont relativement moins dépendants de l’État, à savoir le mouvement des populations indigènes en Papouasie occidentale et le mouvement des femmes. Le premier d’entre eux a manifesté son opposition lorsque l’État a désigné l’île de Biak comme base de lancement des satellites russes, faisant suite à un accord passé entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue indonésien Soesilo Bambang Yudhoyono (SBY) (Aditjondro, 2007f). Bien que le gouvernement local de Biak ait tenté d’obtenir le soutien des dirigeants des districts, des fonctionnaires, des chauffeurs de transport public et des jeunes sans emploi en faveur de ce projet, l’opposition ne s’est pas laissée démonter et a poursuivi son action à la fois sur l’île et sur le territoire papou.

Pendant ce temps, le mouvement des femmes, dont les membres sont issus de l’État et de la société civile, a poussé le gouvernement à s’opposer aux pressions exercées par certains groupes musulmans conservateurs visant à décriminaliser la polygamie. En réaction, le président SBY a édicté un décret, interdisant la polygamie chez les fonctionnaires. Cette opposition à la polygamie ne s’est pas limitée aux seuls décrets légaux. La baisse soudaine de popularité d’un célèbre érudit musulman, Abdullah Gymnastiar, communément appelé A’a Gym, après avoir pris une seconde épouse, a montré que sans pour autant dépendre de l’État, la plupart des femmes musulmanes refusent l’acceptation traditionnelle de la polygamie, basée sur des interprétations sexistes de la lettre d’An-Nisa dans le Saint Coran (Aditjondro, 2007b).

L’opposition à des pratiques dégradantes envers les femmes ne peut se fonder sur une seule base légale. Elle doit être aussi profondément ancrée dans la société civile. Ainsi, l’existence de la loi 23/2004 contre la violence intrafamiliale ne peut suffire à elle seule. Preuve en est l’opposition qu’elle a suscité, non seulement dans les milieux musulmans conservateurs (Budianta, 2003), mais aussi de la part de membres traditionalistes et âgés de certains groupes ethniques, qui s’opposent encore à l’égalité des sexes, voire même acceptent ou, du moins, tolèrent la violence intrafamiliale.

Conclusion La plupart des mouvements sociaux de l’archipel indonésien, du Nord de Sumatra à la Papouasie occidentale, sont encore menés par des militants issus des classes moyennes. Fragmentés, ils questionnent à leur façon le rôle dominant de l’État et des grandes entreprises privées dans l’orientation des politiques de développement du pays.

Malheureusement, la dépendance - quand il ne s’agit pas d’intégration - de ces mouvements à l’égard de l’Etat prédomine. Le mouvement indigène du peuple de Papouasie occidentale est cependant une exception. Et les mouvements de femmes ne s’en remettent pas non plus entièrement à l’Etat, mais cherchent à conscientiser la population, surtout les hommes, car diverses traditions religieuses ou ethniques s’opposent toujours à l’égalité des sexes et tolèrent les violences intrafamiliales.

Traduction de l’anglais : Soline Nève

George Junus Aditjondro
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